On entend ce mot depuis quelques années dans la presse et la radio. Mais qu’est-ce que le véganisme et est-il vraiment efficace ? Pour cet article, nous avons décidé de proposer un exercice de pensée afin de mettre à l’épreuve la philosophie vegan. Et pour ce faire, quoi de mieux que la plus extrême des situations ? Un monde où nous serions tous vegans.
En 1944, Donald Watson, cofondateur de l’association britannique Vegan Society, créa le terme « vegan » en réponse au végétarisme, qu’il jugeait trop frileux. Le mot vegan est une contraction du végétarisme en anglais, « veg-etari-an ». En français courant, vous pouvez opter pour l’écriture « vegan » ou « végane » selon vos préférences.
On voit depuis les années 1970 un essor des mouvements véganes dans le monde. Ils prônent la non-consommation des produits d’origine animale, autant dans l’alimentation que dans les biens de la vie quotidienne (habillement, cosmétique, etc.). La scientifique Ophélie Véron définit le véganisme comme « un mode de vie, une philosophie et un mouvement social et politique [qui] vise à mettre fin à l’exploitation animale et [à] […] promouvoir des alternatives ».
Aujourd’hui, on estime qu’il y aurait 375 millions de vegans dans le monde, soit 5% de la population mondiale.
Des impacts sur l’écologie

Avant tout, il faut comprendre que l’élevage de bétail est responsable d’un quart des émissions annuelles de gaz à effet de serre.
En cause ? Les rots et flatulences des vaches (oui, sans blague), et les installations des pâturages et élevages marins.
Les vaches sont à l’origine d’émissions de quantités importantes de méthane. Et, comme indiqué dans l’article Qu’est-ce que le compostage et pourquoi l’adopter ?, le méthane est un gaz à effet de serre 25 fois plus puissant que le CO₂.
Les installations pour les élevages sont, elles, productrices de quantités non négligeables de CO₂.
L’élevage est ainsi le premier secteur responsable des émissions de gaz à effet de serre, devant les transports. Et, ces émissions ne cessent de croître d’une année à l’autre compte tenu de la croissance démographique mondiale, impliquant toujours plus de bouches à nourrir.
De plus, 80% de l’eau potable sur Terre est utilisée pour l’agriculture, et plus de la moitié des récoltes agricoles mondiales sert à nourrir le bétail.
Ainsi, si nous étions tous véganes, les émissions de gaz à effet de serre seraient drastiquement inférieures, et nous pourrions palier le problème de réduction des quantités d’eau potable disponibles.
Sans grande surprise, le véganisme est la solution proposée par beaucoup d’associations et de scientifiques pour répondre aux directives du GIEC de réduire de 70% les émissions mondiales de gaz à effet de serre d’ici 2050 pour ralentir le réchauffement climatique.
Un gain de place non négligeable

Depuis le XVIIIe siècle, avec l’avènement de la révolution industrielle, la population mondiale est en constante croissance. On estime alors que l’on va atteindre les 10 milliards d’habitants sur Terre d’ici 2050. Notre nombre aura plus que décuplé en 3 siècles, alors que 60% des terres de la planète sont actuellement touchées par une ou plusieurs dégradations. Nous allons donc très probablement faire face à un problème de place.
Si nous étions tous vegans, nous pourrions potentiellement économiser en surfaces exploitables, compte tenu du fait que le bétail occupe les 2/3 des terres agricoles de la planète.
Ces terres pourraient être récupérées pour des habitations, mais également pour cultiver des denrées qui pourraient nourrir plus de monde, ou encore pour restaurer les forêts pour réduire le CO₂.
Une théorique baisse de mortalité d’un côté et une hausse de l’autre

On le sait, la consommation de viande provoque des maladies cardiovasculaires, du diabète et certains cancers. Si nous étions tous véganes, on pourrait en théorie constater une réduction de 10% du taux de mortalité mondiale.
Seulement, il faudrait adopter un régime alimentaire très riche en soja, en haricots et en lentilles pour s’assurer la santé.
De plus, ces bénéfices s’observeraient uniquement dans les pays riches, puisque, dans les pays pauvres où la famine sévit, les apports en protéines animales sont décisifs pour la survie des habitants. On pourrait alors observer une hausse de la mortalité dans ces régions s’ils n’avaient plus d’animaux pour se nourrir.
Une transformation du paysage économique mondial

La production de produits d’origine animale maintient des millions d’emplois dans le monde. Si le monde devenait vegan, nous verrions une profonde transformation du marché de l’emploi, avec une hausse très importante du chômage dans les zones rurales.
Dans le scénario Afterres2050, l’économiste Philippe Ouirion indique qu’un véganisme généralisé provoquerait la destruction de 55 000 emplois en France, mais créerait 125 000 emplois subsidiaires.
Cette théorie ne prend cependant pas en considération les problématiques de reconversion auxquelles les 55 000 néo-chômeurs devraient faire face, tant sur les plans psychologique (pour les seniors qui sont moins avantagés sur le marché du travail), géographique (pour les ruraux éloignés des villes), qu’économique (pour les frais de reconversion qui seront répercutés sur le contribuable). Ainsi, la compensation de la destruction d’emplois par la création de nouveaux ne peut pas être aussi simplement assurée.
Et les animaux dans tout ça ?

Si le monde devenait vegan, nous n’aurions plus le même rapport aux animaux, et ces derniers feraient face à un sort bien différent.
Certains, tels que les porcs ou les brebis, pourraient retourner vivre à l’état sauvage. Mais d’autres, dépendant de l’intervention des humains, comme les abeilles, les poules, ou encore les bœufs, mourraient en grand nombre.
Des philosophes théorisent une cohabitation pacifiste avec les animaux, similaire à celle des hindous respectant les animaux sauvages gambadant librement dans les villes. Mais pourquoi ne pas considérer qu’ils deviendraient à nos yeux aussi libres et sauvages que les actuels animaux de nos forêts ?
Nous ne mangeons pas les ours, les hiboux, ni même les loups, et ce n’est pas pour autant que nous leur reconnaissons des droits civiques. Pourquoi ne pas en faire autant pour les vaches et les poules si plus personne ne cherche à les manger ?
Pour aller plus loin :
- Couturier, Christian, Madeleine Charru, Sylvain Doubet et Philippe Pointereau. Le scénario Afterres2050, 2016,
- Nicolas, Ariane. L’imposture antispéciste, Paris, Desclée de Brouwer, 2020,
- Springmann, Marco, H. Charles J. Godfray, Mike Rayner et Peter Scarborough. « Analysis and valuation of the health and climate change cobenefits of dietary change », Proc Natl Acad Sci USA, vol. 113, no15, 12 avril 2016, p. 4146‑51. <https://doi.org/10.1073/pnas.1523119113>,
- Stockholm International Water Institute, https://siwi.org/,
- Véron, Ophélie. Planète végane: penser, manger et agir autrement, Vanves, Marabout, 2017,
- Vieille Blanchard, Élodie. Révolution végane: inventer un autre monde, Malakoff, Dunod, 2018.